Décision du Conseil de la Concurrence et de la Cour d'appel
Presque 10 ans après l’introduction de plaintes par quelques pharmaciens auprès du Conseil de la Concurrence, celui-ci s’est prononcé dans une décision du 26 octobre 2007 sur les anciennes règles déontologiques et communications[1] concernant les heures d’ouverture et de fermeture, la publicité et les ristournes.
Les plaintes concernaient les heures d’ouverture et de fermeture obligatoires, reprises dans les règlements de garde des groupements locaux concernés et qui, selon les plaignants, étaient contraires à la libre concurrence.
L’Auditeur a profité de ces plaintes pour mettre en doute également certaines restrictions concernant la publicité et les ristournes.
L’article 2, paragraphe 1 de la Loi sur la Protection de la Concurrence Économique (ci-après LPCE) interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible la concurrence sur le marché belge concerné ou dans une partie substantielle de celui-ci.
Le Conseil de la Concurrence reconnaît que le marché concerné pour les services des pharmaciens d’officine est de nature locale, étant donné que le patient se rend en général à la pharmacie dans son quartier ou près de son lieu de travail.
Néanmoins, le Conseil de la Concurrence estime qu’il y a un effet sur le territoire belge car l’Ordre des pharmaciens peut sanctionner tous les pharmaciens.
Pourtant, en ce qui concerne les règlements de garde des groupements locaux, l’Ordre des pharmaciens peut seulement sanctionner pour non-respect du service de garde pour autant qu’il y ait une infraction sur le règlement de garde local d’application pour le pharmacien concerné. Dès lors, l’effet d’un règlement local ne dépasse nullement le niveau local, à moins qu’on ne prouve qu’il existe un nombre tel de règlements locaux avec des restrictions de concurrence inadmissibles que le marché belge ou une partie substantielle de celui-ci en soit couvert, preuve qui n’a pas été apportée à ce jour.
Le Conseil de la Concurrence réfère à l’obligation légale d’organiser le service de garde et à l’intérêt de la santé publique pour conclure qu’il est justifié d’imposer aux pharmaciens l’obligation de participer à ce service de garde et que dès lors l’ancienne[2] première règle déontologique n’est pas contraire à l’article 2 de la LPCE.
Selon le Conseil de la Concurrence, la chose est différente en ce qui concerne les restrictions de concurrence suite aux heures d’ouverture et de fermeture prévues dans les règlements de garde locaux. Ceci ne peut être accepté que pour autant qu’il y ait un lien nécessaire entre le respect de ces heures d’ouverture et de fermeture d’une part, et la dispensation normale et régulière des soins de santé d’autre part.
Le Conseil de la Concurrence accepte que défendre l’ouverture de l’officine le dimanche ou la nuit peut être nécessaire pour que le service de garde ne soit pas perturbé, mais dit par contre que ceci n’est pas le cas quand la restriction concerne les « heures normales d’ouverture des autres commerces », comme c’était le cas pour les plaignants (mercredi après-midi, samedi après-midi et fermeture obligatoire pendant les heures de midi).
Il n’a pas été précisé ce que sont ces heures normales d’ouverture et de fermeture des autres commerces, si des différences régionales peuvent exister et quand commence la nuit.
Le Conseil de la Concurrence considère l’interdiction de publicité et de ristournes comme une mesure de restriction de concurrence flagrante qui est inadmissible. Depuis l’entrée en vigueur du Code de Déontologie Pharmaceutique (2,5 ans avant la décision du Conseil de la Concurrence), une telle interdiction n’existe plus.
En ce qui concerne la sanction, le Conseil de la Concurrence constate que le principe du délai raisonnable fait obstacle à ce qu’une sanction pécuniaire soit infligée à l’Ordre des Pharmaciens. En effet, les plaintes datent de début 1998, tandis que le rapport de l’Auditeur n’a été déposé devant le Président du Conseil de la Concurrence que fin 2005.
Néanmoins, il a été constaté que l’Ordre des Pharmaciens a commis une infraction à l’article 2 de la LPCE et la cessation de cette infraction a été ordonnée[3].
Décision de la Cour d’appel de Bruxelles du 7 avril 2009
L’Ordre des pharmaciens a interjeté appel contre cette décision et l’affaire a été traitée en degré d’appel devant la Cour d’appel de Bruxelles.
La Cour d’appel confirme dans une décision du 7 avril 2009 la décision du Conseil de la Concurrence et oblige l’Ordre des pharmaciens à publier les deux décisions son site internet et de les communiquer aux membres de l’Ordre.
L’Ordre des pharmaciens accomplit cette obligation en publiant le texte intégral des décisions sur son site internet sous la rubrique « Actualités », et en envoyant les décisions aux membres de l’Ordre par e-mail.
[1] Plus d’application depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de déontologie pharmaceutique en date du 31 mars 2005.
[2] Cette première règle déontologique n’est plus d’application depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de déontologie pharmaceutique le 31 mars 2005. Le nouveau Code de déontologie pharmaceutique reprend l’obligation de participer au service de garde dans les articles 24 à 27.
[3] Il est important de remarquer qu’en ce qui concerne la publicité et les ristournes, les dispositions concernées ne sont plus d’application depuis le 31 mars 2005.